
L’exploration picturale de Syrine Daigneault répond à un besoin de compréhension de ses représentations et de son expérience vécue. Avec Domaines de la Volonté, la plus récente exposition de l’artiste, l’acte de peindre lui permet de matérialiser ses réflexions qu’elle alimente depuis sa propre histoire — personnelle, relationnelle, sexuelle — et de l’importance qu’elle accorde à la lecture des Grands Récits. Cette recherche d’historicité, tirée autant de la philosophie occidentale que des traditions du Moyen-Orient, lui permet de traquer les origines des normes et des forces sociales qui agissent sur elle et ses représentations.
Toujours dans le travail de Syrine Daigneault, il y a cette volonté de scruter et de remettre en question sa propre conduite qu’elle analyse et évalue à la lumière de théories sociologiques ou de thèses philosophiques. Pour elle, la peinture est porteuse d’idées et ses tableaux sont directement influencés par les écrits qui résonnent en elle, qui l’habitent intensément. Son regard critique face à son vécu n’est pas marqué d’ironie. Il agit comme un moteur créatif lui permettant une meilleure compréhension de certains schémas relationnels. Néanmoins, une certaine indulgence en découle où l’humour arrive à se glisser. L’artiste va même jusqu’à se représenter sous forme d’un alter ego marionnette mimant des postures humaines à la limite du grotesque dans les tableaux Ce qui me recouvre et Autoportrait en costume traditionnel. La répétition du motif de ce dernier rappelle celui d’un tapis perse et, par ce tableau, on glisse vers ceux plus directement inspirés de l’iconographie des œuvres de l’Antiquité mésopotamienne.
Si l’artiste, dans plusieurs de ses tableaux, emprunte certains éléments directement à l’esthétique moyen-orientale, c’est pour les évoquer librement et ainsi représenter une force, une pulsion qui agit en elle, en nous tous et qui reste difficile à définir. Son héritage maternel syrien va à la rencontre de sa vision de la thèse schopenhauerienne stipulant que la Volonté n’est déterminée par aucun motif, qu’elle est une force puissante, aveugle, absurde et dépourvue de connaissance. Dans Genèse d’une tradition et Le génie de l’espèce, les protagonistes se retrouvent déroutés dans leurs désirs, ce qui rend leurs agissements loufoques et les laissent ébahis, tandis que dans Ishtar et Élise, la Volonté vient s’incarner, pour l’une comme pour l’autre, avec une force d’affirmation équivalente. Ishtar, la déesse mésopotamienne, est une figure complexe qui évoque autant la femme séductrice, charnelle et voluptueuse, qu’une divinité guerrière et virile tout en pouvant être adorée pour sa protection et sa joie de vivre. Élise, la créatrice, qui de ses mains fait naître des univers et qui, pour Syrine Daigneault, personnifie le ravissement, le surplus de vie, l’importance de la filiation féminine et, en fait, tout ce qui est emblématique chez la déesse.
Texte d’Isabelle Guimond
Vernissage: le jeudi 25 mai, 17h
Exposition du 25 mai au 10 juin
Horaires de la Galerie: du mercredi au samedi, 12h à 17h.
Image: Autoportrait en costume traditionnel (détail), 2023, huile sur toile, 152 x 190 cm
Crédits photo: Carolyne Scenna
Merci au Conseil des arts du Canada pour son soutien.